Les touristes du fédéralisme
SYLVAIN BLANCHARD
LE DEVOIR
"Did you find the time to see the Big O?
-No, Jerry. I just got here. But
don't worry, I'm going later on."
Jerry, comme des centaines
d'autres partisans de l'unité canadienne,
est débarqué hier à Montréal
pour la toute première fois de sa
vie, venu comme les autres exprimer
son attachement au Canada et dire
aux Québécois de ne pas claquer la
porte.
Il est venu avec sa fille Anna, trois
ans, une merveille qu'il avait juchée
sur ses épaules pour qu'elle puisse
bien voir the Prime Minister. Prime
Minister qu'elle n'a d'ailleurs jamais
pu voir parce que trop loin de l'estrade.
Jerry était là, en compagnie de
milliers et de milliers d'individus venus
des quatre coins du pays, occupé
à échanger avec ses compagnons
de route, quand sa femme, Debby,
s'est approchée de lui pour lui demander
s'il y avait un Giorgio dans le
coin. "Come on honey ! You're in
Montreal. There's no Giorgio
around."
Jerry était venu dire aux Québécois
qu'il n'y a aucune raison, "no
reason at all to leave Canada". Pourtant,
pendant les 45 minutes qu'il a
passées devant la place du Canada, il
a parlé du changement d'huile qu'il
n'avait pas encore eu le temps de faire
à sa Volvo, du condo que sa s ur
Jeanette venait tout juste d'acheter,
rue Yonge à Toronto, "a good spot, a
very good spot", et de toutes sortes
d'autres sujets du genre-même de
la nappe de cuisine de sa s ur, qu'il
a ruinée samedi dernier en y versant
un verre de vermouth-mais ja-
mais de politique.
Jerry n'était pas une exception.
Bien au contraire. Partout dans cette
foule, qu'on vienne de Kamloops,
comme Mr. Blaike, de Sudbury,
Prince Albert ou de St. John's, comme
Margaret, on parlait davantage
de la pluie et du beau temps (avant,
pendant et après les discours des ténors
du NON) que de n'importe
quel problème ou débat constitutionnel.
De la nouvelle paire de patins de
son fils, Brent, qui lui a coûté une
fortune-"150 bucks, man ! Can
you believe it!"-jusqu'au nouveau
mascara de Mary, acheté à la sauvette
avant de monter dans l'autobus,
rien ne laisser présager que se préparait
là l'opération coup de poing du
NON pour convaincre les 15 à 20 %
d'indécis de se ranger de leur côté.
Nerveux, les Canadiens anglais, à
deux jours du vote? Pas vraiment.
Pendant le discours de Jean Chrétien,
par exemple, June, 32 ans, de
Fredericton, au Nouveau-Brunswick.
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Des dizaines de milliers de personnes ont participé hier au
rassemblement du camp du NON au centre-ville de Montréal. En
présence du premier ministre Jean Chré~en, du chef du camp du NON
Daniel Johnson et du chef du Parti conservateur Jean Charest, les
manifestants, dont certains venaient des autres provinces canadiennes,
ont lancé un appel à l'unité du Canada.
- Le OUI se tient à l'écart du love-in fédéraliste
- Bouchard évalue à plus de quatre millions les coûts de la manifestation
- L'éditorial de Lise Bissonnette: Apparences d'amour
- La chronique de Michel Venne: Lucien le magicien
- Laurent Beaudoin a fait des petits
- Les Inuits et les Montagnais votent NON
- Le dollar paulse ses plaies
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"Nous ferons les changements qui s'imposent"
SYLVIANE TRAMIER
LE DEVOIR
Le centre-ville de Montréal, pavoisé aux couleurs unifoliées
et fleurdelisées, a accueilli hier la plus grand
assemblée publique de la campagne référendaire. Des
dizaines de milliers de personnes-40 000 selon certaines
estimations, plus de 100 000 selon les organisateurs - ont
participé dans une atmosphère familiale et
enthousiaste à cette manifestation du camp du NON en
faveur de l'unité du Canada.
Sur le podium dressé sur la place du Canada, le premier
ministre Jean Chrétien a exhorté les Québécois à voter
NON lundi et il a également laissé entrevoir la possibilité
d'une évolution du fédéralisme canadien. "Nous avons ici
une patrie, le Quebec, et nous avons un pays, le Canada", a
t-il déclaré. "Nous ferons les changements qui s'imposent à
l'aube du XXI siècle pour faire entrer un Canada uni dans
le prochain siècle, d'un océan à l'autre", a-t-il ajouté.
La mobilisation avait un certain caractère "interprovincial":
quelque 15 000 personnes, selon les organisateurs,
avaient répondu à l'appel lancé par le ministre fédéral
des Pêches, Brian Tobin, et étaient venues apporter leur
message d'amitié aux Québécois. Les autres étaient arrivées
dans la journée en provenance de plusieurs régions
du Québec et beaucoup de Montréalais étaient simplement
venus en voisins, profitant de la pause de midi.
M. Chrétien a salué les francophones hors Québec,
dont certains membres étaient présents au rassemblement,
et il les a remerciés d'être venus rappeler la presence
de la "famille francophone" à l'extérieur du territoire
quebécois en ajoutant: "Nous allons rester ensemble
pour la survie du fait francais en Amérique."
Aux côtés du premier ministre, le chef du parti conservateur
Jean Charest, le chef de l'opposition à l'Assemblée
nationale Daniel Johnson et la députée libérale Liza Frula,
vice-présidente du comité du NON, ont également
prononcé des allocutions à forte teneur sentimentale:
"Parlez avec votre c ur, parlez dè votre pays, le Canda",
a lancé M. Charest.Il a appelé les Québécois à ne
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Le référendum décortiqué
La question est sur toutes les lèvres: dirons-nous OUI
ou dirons-nous NON? A deux jours du vote, Le Devoir
trace en six pages le bilan de la campagne référendaire
qui s'acheve.
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